À l'occasion du Débrief tech de la présidentielle, Qomon a parlé avec un large éventail d'experts du digital en politique. Dans l'une de nos tables rondes, nous avons cherché à savoir comment, aujourd'hui, les partis politiques utilisent les réseaux sociaux durant leurs campagnes.
Suscitant des nouveaux débats publics et des polémiques, ce sujet fait couler beaucoup d'encre. Comment tirer parti de la puissance des réseaux sociaux ? Quels sont les nouveaux challenges de communication que ces derniers posent aux mouvements politiques ? Nous nous penchons sur ces sujets brûlants ci-dessous.
Comment utiliser les réseaux sociaux pour avoir de l'impact ?
Aujourd'hui, les réseaux sociaux sont devenus des médias incontournables du paysage politique. Les chiffres tirés de l'élection présidentielle de 2022 parlent pour eux-mêmes : il est estimé que la moitié des moins de 35 ans ont suivi la campagne sur les réseaux sociaux, et non à travers des médias traditionnels.
Quelle place les réseaux sociaux ont-ils prise en politique ? Ces dernières années, leur rôle s'est progressivement transformé. Si avant, ils étaient surtout un moyen d'amplifier un message déjà produit, ils sont aujourd'hui devenus créateurs d'un contenu nouveau. Désormais, ils ne relayent plus seulement des messages diffusés par les autres médias, mais véhiculent des contenus uniques et innovants. De caisse de résonance, ils sont donc devenus des médias à part entière.
Twitter, Facebook, YouTube, Instagram et même TikTok… Chaque plateforme ayant des caractéristiques propres, comment occuper l'espace qu'elle offre de manière intelligente ? C'est l'occasion pour les partis politiques de persuader et de mobiliser des audiences différentes, en publiant des contenus adaptés. L'enjeu, pour les partis politiques, est de mettre en place une stratégie cohérente afin de véhiculer les bons messages sur leurs plateformes numériques. L'idée n'est plus de reposter des messages déjà publiés dans des journaux ou déjà débattus à la télévision, mais de créer un nouveau contenu pensé pour chaque réseau.
Les leçons à tirer de la communication digitale de la vie politique américaine
L'exemple américain de l'utilisation des réseaux sociaux en politique est édifiant. Voire même - oserons-nous le dire ? - alarmant !
Comparés aux Français, les Américains dépensent davantage d'argent dans leurs campagnes numériques. Ayant rapidement compris le pouvoir d'Internet pour influencer les électeurs, leurs partis mettent en place des publicités digitales très ciblées à grands frais. Ceci est facilité par une réglementation très souple en la matière. En effet, en France, il existe plus de limites concernant le ciblage des électeurs en ligne.
Quelle est la différence de budget dédié aux plateformes numériques entre la France et les États-Unis ? Pour donner une idée, en 2020, les mouvements politiques américains ont dépensé entre 6 et 7 milliards de dollars dans leur communication digitale, tandis qu'en Hexagone, on est à 22 millions pour le second tour des présidentielles de 2022. Même ramenées au nombre d'habitants, les ordres de grandeur ne sont pas les mêmes…
Le résultat des méthodes outre-atlantiques ? Une société de plus en plus polarisée. Pourquoi ? Cela s'explique notamment par la viralité des contenus "extrêmes". En effet, les algorithmes des réseaux sociaux ont tendance à favoriser les contenus les plus radicaux, qui sont souvent les plus partagés. Dès lors, les messages clivants sont davantage mis en valeur. Aux USA, l'utilisation des plateformes numériques en politique pousse les individus à se radicaliser. La campagne menée par Donald Trump en 2016, et l'invasion du Capitole en 2021, sont des exemples éloquents de cette polarisation.
Les challenges posés par les plateformes digitales en politique
Ces dernières années, les travers des réseaux sociaux ont particulièrement été visibles aux USA. Cependant, les algorithmes de Facebook, Twitter ou YouTube sont les mêmes dans le monde entier. En France aussi, le débat public a été affecté par les défauts des plateformes numériques.
Si les réseaux sociaux sont un formidable outil de communication, ils peuvent aussi devenir des canaux diffuseurs de "fake news" et de contenus extrêmes. De surcroît, il est aussi possible de "tricher" en ligne en utilisant notamment des faux comptes et des bots. Des contenus peuvent être gonflés artificiellement, donnant une impression inexacte de l'influence des messages. Dès lors, se baser sur le nombre de vues d'un contenu ou d'une vidéo pour mesurer les personnes atteintes n'est pas vraiment pertinent.
L'un des défis posés par les plateformes numériques est donc d'évaluer la portée réelle des messages. Pour mesurer correctement, il faut se poser les bonnes questions : le contenu est-il repris par des personnes "importantes", comme par exemple des journalistes politiques ? La portée du contenu progresse-t-elle avec le temps ? L'analyse est plus difficile que sur les médias traditionnels.
Par conséquent, l'utilisation des réseaux sociaux est à double tranchant. Certes, ils permettent de toucher un large public et de diffuser rapidement des messages. Toutefois, ils posent aussi des risques, en raison des travers des algorithmes et de la difficulté à analyser l'impact des posts.
Les réseaux sociaux, reflet de la vie démocratique ? Avant la démocratisation des outils numériques, les contenus extrêmes, la manipulation de la portée des messages et les "fake news" existaient déjà. Néanmoins, ces phénomènes ont été amplifiés par les plateformes numériques. Si ces dernières offrent d'incroyables opportunités de communication, elles posent également de nouveaux challenges aux militants et aux partis. L'avenir nous dira comment les mouvements politiques surmonteront ces nouveaux défis !
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